Il m’aura fallu l’été pour me sentir “chez moi”, habiter cette maison. Des pièces où l’empreinte des anciens habitants reste forte, il y en a, à la déco si particulière, loin du blanc uniforme dans lequel j’aime vivre. J’ai repeint les deux chambres des fils, blanches. Les murs du salon couverts de paille japonaise virés couleur tabac, blancs. Que les lieux soient espaces d’accueil paisible, frais et propres, mais sans cette personnalité envahissante que leur confère une décoration mégalo. La salle de bain rouge, pas entièrement sang mais suffisamment pour y entrer à reculons. Dans ma chambre ce luminaire couvrant le plafond dans la diagonale : un triangle scalène en double épaisseur d’où la lumière suinte sur les bords. J’y vois une flèche tournée vers moi, flottant à quelques centimètres prête à fondre. Un spécialiste viendra retirer ce qui plaisait à mes prédécesseurs et m’angoisse, comme ce mur divisé en carré de velours vert sombre tendu sur de l’ouate. L’appartement que j’ai quitté a été totalement cassé, réagencé par la famille qui l’habite maintenant. Détruire le nid des précédents et se construire le sien. Se sentir chez soi quelque part n’est pas naturel, c’est une construction par appropriation lente, le bâti, la déco, les bruits, les parfums, les habitudes du quartier. Chacun, chacune a vécu cette expérience au moins une fois dans sa vie, celle du déménagement, du déplacement. S’en souvenir dans notre relation aux étrangers : l’accueil fait l’humanité.

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