Tu attends la pluie et quand elle vient, plus sûre de l’avoir espérée. Froide, triste, si peu abondante qu’elle n’arrose pas les plantes qui la réclament, n’amollit pas la terre pour te faciliter le désherbage. Quelques gouttes lancées sur ton carré de pelouse comme une poignée de grains et toute l’eau là-bas, au Pakistan où les enfants meurent sous les coulées de boue. Donc la doctoresse a refusé d’hospitaliser ton fils. Elle ne le trouvait pas si mal, le garçon, même avec sa gueule en biais, les quatre points de suture apparus dans la nuit à l’arcade sourcilière parce qu’il est tombé dans l’hosto. Pas si mal, c’est-à-dire pas encore assez proche de la mort pour mériter le luxe d’un lit d’hôpital, d’une semaine au calme, soigné, dans la sécurité physique et psychologique. Trois ans à le convaincre de la nécessité de son hospitalisation, il est aux urgences, il est prêt, il accepte : on le remet dehors. Si l’on additionnait le poids de colère que chacun, chacune, porte en soi, ça ferait une belle énergie pour tout envoyer valdinguer. Mais il y a ce quotidien qui nous tient, ces dernières bribes qu’on a peur de lâcher pour l’inconnu du peut-être pire. Puisqu’il y a pire, au Pakistan par exemple, les milliers de morts, les millions de personnes déplacées à cause des inondations qui ne sont ici qu’une brève dans les journaux télévisés.
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